C’est moi-même, Terreur, c’est moi-même

Les rêves échoués desséchés font au ras de la gueule des

rivières

de formidables tas d’ossements muets

les espoirs trop rapides rampent scrupuleusement

en serpents apprivoisés

on ne part pas on ne part jamais

pour ma part en île je me suis arrêté fidèle

debout comme le prêtre Jehan un peu de biais sur la mer

et sculpté au niveau du museau des vagues et de la fiente

des oiseaux

choses choses c’est à vous que je donne

ma folle face de violence déchirée dans les profondeurs

du tourbillon

ma face tendre d’anses fragiles où tiédissent les lymphes

c’est moi-même terreur c’est moi-même

le frère de ce volcan qui certain sans mot dire

rumine un je ne sais quoi de sûr

et le passage aussi pour les oiseaux du vent

qui s’arrêtent souvent s’endormir une saison

c’est toi-même douceur c’est toi-même

traversé de l’épée éternelle

et tout le jour avançant

marqué du fer rouge de choses sombrées

et du soleil remémoré

Transmutation des visages en paysages, jeu terrible de celui qui se joue de la terreur, c’est la musique de l’inscription du temps sur les corps qui est ici donnée à entendre.

1. Si vous aviez à séparer ce poème en parties, en combien de sections le disséqueriez-vous? Quelles seraient les raisons de ces coupures? Quelle nouveauté interviendrait à chacune d’entre elles?

 

2. Ce texte évoque plusieurs éléments de la nature, en quoi peut-on les comparer au « je » du poème?

 

3. Dans quel lieu (physique ou métaphorique), selon vous, reste-t-on, si « On ne part pas on ne part jamais »? Que signifie ce lieu? À quoi peut-on le comparer?

 

4. Attribuez chacune des images que vous distinguez dans le poème à un « Je » ou à un « Tu », suivant l’idée de « C’est moi-même » ou « C’est toi-même ». Quelles conclusions pouvez-vous tirer de ce rapport à soi et à l’autre? À quoi cet autre fait-il référence?

 

5. Lisez ce poème à voix haute. Trouvez les moments culminants, ceux qui vous font parler plus fort. À quelles images votre voix se hausse-t-elle?

 

Activité d’écriture

Tentez un exercice de création : rendez-vous dans un lieu qui est significatif pour vous. Élaborez, par le moyen de figures de style de votre choix, trois images vous représentant, et deux images qui représenteraient quelque chose d’extérieur à vous en vous inspirant de ce qui vous entoure. Quelles sont les émotions qui surgissent de ces images? Quel constat pouvez-vous en tirer en regard de la distance entre vous et ce qui vous est extérieur?

 

Liens utiles


Aimé Césaire parle de la langue créole dans une entrevue donnée le 28 octobre 1990 : 

Documentaire sur la vie d’Aimé Césaire, par France Culture en 2016 : 

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Référence bibliographique

« C’est moi-même, Terreur, moi-même », in Ferrements et autres poèmes d'Aimé Césaire, Éditions du Seuil, 1994, 2006, et Éditions Points, 2008

Avec l’aimable autorisation des Éditions du Seuil.

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